Le droit d’être soi

« Alors c’était comment ? »

« Bah… c’était super.»

Me voilà rentrée à Paris, après un voyage de 6 mois en Inde. J’ai vu des corps bruler au bord du Gange, j’ai médité dans l’Himalaya, j’ai dansé jusqu’à l’aube sur les plages de Goa, j’ai exploré Auroville et ses utopies, j’ai vécu au sein d’une communauté de lépreux…

Alors comment vous dire…« C’était super. » Ouai.

Ces derniers jours je me creuse la tête pour savoir comment répondre autrement à votre curiosité amicale.  Comme ça, autour d’un café, entre 2 rdv de nos agendas parisiens trop chargés.

Sois synthétique Marianne, et puis sois intéressante aussi, vibrante, percutante. Et tout autre mot en ANTE…sauf chiante évidemment. Bref, essaie de leur partager cette aventure qui te dépasse et que tu n’as même pas encore digérée.

Pas si simple en fait, la frustration guette.

Et puis, je sens les regards qui me scrutent pour voir si j’ai changé…OU PAS.

« Mais si c’est  «OU PAS », à quoi ça sert que tu sois partie si loin ? Et si longtemps ? Vas-y, prouve-nous que t’as raison de chercher même si tu trouves rien que des questions. Et pourquoi t’as le cafard aujourd’hui ? Et pourquoi tu t’es énervée hier? T’es pas censée avoir atteint l’Eveil et vivre sur un nuage de félicité pour l’éternité après tout ça ? T’es sûre que ça marche ton truc ?!»

Oui parce que je lis dans vos pensées maintenant 🙂

Bon. Peut-être que j’invente tout ça hein, peut-être que je me fous la pression pour rien, peut-être que derrière la question «  Alors c’était comment ? »,  vous voulez juste savoir si le poulet au curry était meilleur qu’à Paris.

Mais quand même. Je nous sens ici au cœur d’un grand malentendu concernant le voyage, la méditation, le chemin spirituel, ou la quête de sens. Comme une attente de progrès, de changement, de perfection. Comme si ces expériences se DEVAIENT de nous rendre plus sages, plus calmes, plus forts, plus gentils, plus ceci ou plus cela.

Or, ce que j’ai découvert ces dernières années sur ce chemin d’intériorité, ce n’est pas comment devenir quelqu’un d’autre, mais comment se donner le droit d’être soi. Et comment, à l’inverse de toute tyrannie de progression, de changement, ou de perfection, on pouvait enfin s’accepter et «se fouttre la paix », selon la très juste parole de Fabrice Midal.

Voilà donc mon ressenti à l’issue de ce voyage, je me sens un peu plus moi. Et pourtant je n’ai pas changé. Vraiment pas (mon illusion d’être devenue végétarienne a d’ailleurs volé en éclat devant la première planche de charcuterie 🙂

Ce point étant clarifié, j’aimerais quand même réussir à vous répondre autre chose que « C’était super».  Parce que la raison principale qui m’a décidée à rentrer en France, c’était…vous. Ou plus précisément, mon envie de partager avec vous.

Je ne pars pas en Inde pour « changer », ni pour vérifier que le poulet au curry y est meilleur que nulle-part ailleurs.

Je pars pour suivre ma passion, qui est d’explorer.

Et je rentre pour suivre mon intuition, qui me dit de partager. Que tous ces voyages, ces heures de méditation, ces expériences farfelues, ces rencontres avec moi-même, et avec le monde, ces moments de solitude, ces moments de chaos, et ces moments de grâce, trouvent un sens si cela sert plus que ma petite personne. Ne me demandez pas comment, c’est juste une intuition 😉

Alors prenons le temps de nous retrouver, mes amis. Sans doute pour l’instant que ce que nous avons à partager n’est pas tant dans les mots et les photos, que dans le simple plaisir d’être ensemble à nouveau…et bim les rimes.

Quand à votre question Ô combien cruciale sur le poulet au curry, vous avez mérité de savoir maintenant que vous avez tout lu: la réponse est OUI 😉

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Avatar de mythetheworld mythetheworld dit :

    Intéressant cette pression que l’on croit ressentir de notre entourage comme une obligation de succès. En tour du monde, on se sent obligé d’en profiter et de ne pas se plaindre parce que quand même ce qu’on vit est unique 😉 Et on se demande régulièrement si on a changé… Bref nous aussi on clame le droit juste d’être nous et peut être juste un peu plus nous à l’issue de ce voyage. Merci pour ce partage.

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