Ni désespoir ni gloire

Il y a Rêver l’Inde, entre palais de maharadjas, lever du soleil sur le Gange, saris multicolores, étals débordants d épices, yogis sereins et contemplatifs…

Et Rencontrer l’Inde.
On ne peut faire l économie d un choc déboussolant , quand la saleté, la misère, le bruit, l’insoutenable, le chaos rencontrent aussi intimement et quotidiennement la grâce, l harmonie…Le sacré.

Voyager dans ce pays  me confronte inévitablement à des situations dont j aimerais pouvoir détourner le regard, moi, petite occidentale bénie par la vie.
Les enfants qui mendient un bol de riz, les conditions sanitaires, la pollution étouffante, l’injustice des castes, les animaux maltraités, le viol banalisé, la proximité palpable de la maladie et de la mort…Tout est là pour réveiller une écrasante culpabilité, sans oublier ce bon gros sentiment d impuissance. Si familier.

Pendant mes premiers temps ici, je me répétais « à quoi bon », j accélérais le pas, je regardais ailleurs, je disais non, non, désolée, je n ai rien, avec un air gêné. Ou lâche. Mais pourquoi donner un peu d argent à l un et pas aux centaines d autres? Qui aider?A quoi ça sert de toutes façons, ce monde est pourri et on n y peut rien, il y a trop à faire…

Aujourd’hui, un chien m a donné la réponse. Ou plutôt il me l a rappelé. Sur une plage de Goa, je marchais, joyeuse et insouciante comme une touriste peut l être. Et je l ai vu. Il avait la tête penchée sur le côté, du sang dégoulinait d une plaie purulente, sa joue et son oreille déchiquetées, les flancs amaigris. Il  marchait aussi péniblement qu’il respirait. Et ce spectacle, finalement presque banal en Inde, m a réveillé le coeur. Pourquoi lui? Je ne sais pas. Envie de prendre soin, de soulager cette terrible souffrance qui se lisait dans ses yeux tristes, et qui reflétait toute la misère du monde. Envie d agir et de regarder la réalité bien en face. Pour une fois. Tant pis pour ma séance de bronzage, tant pis pour la carte postale paradisiaque gâchée par le sang et l odeur putride sur mes mains.

Non je ne peux pas sauver le monde. Non ça ne suffira pas à soulager ma conscience. Oui ce n est qu’un chien des rues. Non cela ne va pas changer grand chose. Non je ne me prends pas pour Brigitte Bardot. Oui, ce n est qu’une goutte d eau dans l océan de la souffrance.

Mais pour ce chien, aujourd’hui, cette goutte d’eau aura sans aucun doute fait une différence.

Avec mon ami, on y a passé l après midi. D abord lui trouver de quoi boire et de quoi manger. Ensuite chercher un animal rescue center, qui voudrait bien le soigner ou le piquer si la situation l exigeait.

Il est 17h, le vétérinaire vient de confirmer qu’il allait pouvoir le sauver. Je regarde le coucher du soleil et je me sens en paix.

« Fais ta part ». Voilà ce que ce chien m a rappelé. La fameuse légende du colibri…aide quand tu peux, quand ton coeur l’appelle, quand ici et maintenant, même pour un seul, tu sens que cela fait une différence. Sans raison, sans attente, sans contre-partie.
Ni désespoir ni gloire. Fais ta part.

2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. johnny b dit :

    Wild, wise, gracious and beautiful. The dog asked me to pass that message.

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  2. mythetheworld dit :

    Très bel article. L’Inde confronte et nous place face à nos responsabilités. Bravo pour votre action. Il n’y a pas de petit geste. Chacun peut faire la différence!

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