Méditer sans cliché

Cliché numéro 1 :

Méditer c’est oublier les problèmes et éviter la douleur pour être Zen.

Soyons honnête, si nous venons à la méditation, c’est souvent parce que quelque chose « ne va pas ». On aimerait bien une solution miracle, la télé, la radio et la presse nous l’ont vendue comme ça. « Il suffit de respirer, ensuite tu seras heureux, détendu, riche et intelligent pour l’éternité ». Version conte pour enfants. La vérité, c’est qu’une grande part de cette pratique concernera ta capacité à rencontrer, avec patience, douceur, et courage, ce qui en toi résiste, souffre, s’ennuie, s’impatiente, doute, juge, s’énerve, se replie…Tes zones d’ombre, ce que tu trouves moche et qui cloche. Ce que tu caches sous le tapis, en espérant que personne n’y regarde de plus près, mais à quel prix…Bref, il ne s’agit pas ici d’une technique de relaxation, ni de transcender ta condition humaine pour fuir les problèmes et les douleurs, mais plutôt d’apprendre à t’y relier différemment. Tu verras, c’est libérateur. Accepter d’aller regarder tout ça de plus près, au corps à corps, vulnérable et tendre, pleinement humain. Accepter d’être touché par la Vie, au lieu de lui résister chaque fois que ça fait mal. Attention, je ne fais pas ici une apologie de la souffrance. Je dis juste qu’elle est inhérente à notre condition, et qu’il existe une autre solution que de la nier ou de la fuir en allumant la télé, en prenant une énième bière ou un Lexomil de plus. Tu as déjà essayé tout ça, et ça n’a pas marché. 

 Cliché numéro 2:

 Méditer, c’est supprimer ses pensées et  faire le vide

Ah bah non. Mais tu peux toujours essayer, ça risque de ressembler à un sacré champ de bataille. Supposons que ton point d’ancrage soit ta respiration. Supposons que tu veuilles vraiment porter ton attention sur les sensations qui l’accompagnent. Dans cette pratique, je te rassure tout de suite, ton esprit va s’évader, encore et encore. Et c’est normal. Je te le prédis d’avance. Tu auras mille pensées bien plus intéressantes qui vont surgir et t’éloigner de ton ancrage, ta liste de courses, des ruminations contre ta mère, ta prochaine soirée, un passionnant projet associatif, des commentaires sur ta pratique, le futur, le passé…Alors il ne faudra pas que tu sois déçu, ni que tu te juges, ni que tu te crois « inapte » à la méditation, au contraire. Il faudra te féliciter, t’étonner, de cette capacité nouvelle que tu auras de te voir t’évader ailleurs qu’ici et maintenant, de cette prise de conscience de ton agitation mentale, de ce désordre intérieur, de ces pensées chaotiques difficilement contrôlables…Sois curieux, remarque les, sans t’y noyer, sans te laisser embarquer. Et décide alors, avec patience et bienveillance, de revenir au point d’ancrage que tu as choisi. Inlassablement. Cette danse entre distraction et attention, sera ton entrainement. Le travail de ton esprit, c’est de produire des pensées, il n’y a rien de mal à cela. Dans la pratique, on ne cherche pas à se débarrasser des pensées, mais simplement à moins s’identifier à elles, à moins les croire, à moins se laisser mener en bateau. Un peu d’espace, entre elles et toi, pour mieux les voir. Te connaître, sortir de tes ruminations, repérer tes schémas, tes jugements, et toutes tes prisons mentales. Pour plus de clarté, de lucidité, de sagesse et de présence. Rien que ça…

Au fait, j’en profite pour faire tomber une autre idée reçue : méditer, dans le cadre de la mindfulness, ce n’est donc pas faire le vide, mais ce n’est pas non plus réfléchir, ni se laisser aller à des vagabondages ou des rêveries 😉

 Cliché numéro 3:

Méditer se passe dans la tête et n’a rien à voir avec le corps

C’est l’une des premières surprises. Même si l’on parle d’un entraînement de l’esprit, il va déjà s’agir d’entrer en rapport avec ton corps. Porter attention à tes sensations, ta respiration, ta posture…Observer, c’est-à-dire ressentir, renouer avec ce corps, lui dire « bonjour », « comment ça va ». Il y a dans ce geste une curiosité nouvelle portée à une partie de toi bien souvent négligée. Un lama tibétain un jour me confiait que la méditation était une « rééducation des sens ». Au début, je ne comprenais pas bien à quoi cela pouvait servir. Jusqu’à ce que je lise une phrase de Christiane Singer : « Les sens ramènent au sens ». Et que je l’expérimente…dans mon corps. Je rajouterais également que tes sens et ton corps seront l’ancrage de ta conscience dans l’instant présent, ta porte d’entrée. Tu sais, l’instant présent, ce truc que toutes les traditions philosophiques et religieuses te recommandent de concert, les «carpe-diem » et autres dictons populaires que tu écoutes d’une oreille en te disant que c’est bien joli tout ça, mais comment on fait ?? Parce que malheureusement, à l’école, les cours en instant présent, ça n’existe pas encore…

Bref, le simple fait de témoigner une curiosité chaleureuse à l’égard de ce corps si souvent oublié, de t’arrêter, de prendre le temps de t’y reconnecter, est déjà un acte réparateur.

Mais sans une attitude bienveillante à ton égard, sans un soin nouveau et tendre porté à tes ressentis, la pratique peut rapidement se transformer en séance de torture…ou en procès généralisé de tes dysfonctionnements physiques, douleurs et imperfections. Crois-en une ancienne experte. 

Cliché numéro 4

Méditer est une technique de performance, avec un état particulier à atteindre

            Il n’est pas évident, dans notre société toute entière orientée vers le profit et la compétition, de sortir de la tyrannie du résultat et des objectifs. Et c’est pour ma part ici que la pratique entraine un changement radical de posture. Dans ce « il n’y a rien à atteindre, rien à modifier ». Il y a « simplement » à entrer en rapport avec ton expérience comme elle est, à cet instant. L’observer, la ressentir, lui permettre d’être là, sans la juger, sans lui retrancher ce qui te déplaît, sans essayer de la faire correspondre à ton idéal de méditation, de toi-même, ou de la vie. Tu ne peux donc ni échouer, ni réussir. Tu n’as, quelque part, rien à faire. Déroutant n’est-ce pas ? Peut-être connais-tu cette histoire d’un élève qui demande à son maître : « Maitre, combien de temps me faudra t’il méditer pour atteindre la sérénité ? » Après un long silence, le maître répond : « Vingt ans ». L’élève, impatient et travailleur, insiste: « Euh…c’est un peu long. Et si je mets les bouchées doubles ? Si je médite dur, jour et nuit, que je ne fais plus que ça ? » Et le maitre de lui répondre « Alors, quarante ans ».

 

Je ne sais pas si tu saisis, dans ces mots, ce que cela a de précieux. Tout en toi se bat, chaque jour, pour modifier, améliorer ta réalité. Mais ici, tu as un espace, rien qu’à toi, quelques instants, pour t’asseoir, faire silence, respirer, être toi-même, et t’accueillir comme cela, ainsi que toute ton expérience…ça fait du bien, non ? Je concluerai avec une citation de Pema Chodron : « The point is not to change yourself. The point is to make friends with who you already are ». Tout un programme…

Cliché numéro 5: 

Méditer c’est pas pour rigoler 

Euh…Comment te dire…je te laisse avec cette courte méditation toute en poésie intitulée ‘Fuck That’… https://www.youtube.com/watch?v=92i5m3tV5X

  Conclusion  :

Bon, pour te rassurer quand même, je ne veux juste pas que tu t’attendes à être tout le temps « zen » et « cool », ce serait mentir et tu serais vite découragé…mais oui, l’humour, l’amour, la sérénité et la joie seront également de la partie.

Les neurosciences ont d’ailleurs pas mal avancé sur les bienfaits de la pratique : elle semble avoir un effet notoire sur l’humeur, la réduction du stress, le sommeil, les capacités de concentration, la mémoire, le vieillissement cellulaire, le système immunitaire…A faire pâlir d’envie les labos pharmaceutiques !

Mais ce n’est pas le plus important.

Ce qui est important, et un certain Bouddha a d’ailleurs longuement exploré la question, c’est que s’il y a bien une réalité de la souffrance, il y a aussi et surtout, un chemin pour s’en libérer (sans la fuir 😉 Et la mindfulness en fait partie. Ça redonne espoir non ?

Je terminerai par faire tomber une dernière idée reçue : non, ce n’est pas une pratique spirituelle ou religieuse décorrélée du quotidien. C’est une pratique laïque, qui aujourd’hui est enseignée aussi bien dans les hôpitaux que dans les écoles et les entreprises. Tu n’as pas besoin d’être bouddhiste, d’aller dans un temple, d’allumer de l’encens, et de t’abîmer les genoux dans la position du lotus en répétant des mantras. Oui, tu peux pratiquer dans ton salon, ou au bureau. Allongé sur ton lit, ou assis sur une chaise derrière ton ordi. En maillot de bain, ou en costume cravate. Quand tu cuisines, quand tu envoies un mail, quand tu te douches, ou que tu plaisantes avec un ami. Quand tu marches dans les couloirs du métro, quand tu fais la vaisselle, quand tu danses, quand tu regardes la mer, ou que tu berces un enfant.

Parce que finalement il s’agit simplement d’apprendre à être pleinement là, et pleinement toi.

 Bon, ça commence à faire beaucoup de grands mots tout ça, le plus simple sera que tu vérifies par toi-même…

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. mythetheworld dit :

    Ah ces clichés sur la méditation… Malheureusement on n’apprend pas à l’école à vivre le moment présent mais une très belle initiative a justement été testée en remplaçant des heures de colle par de la méditation… http://www.inspiremore.com/elementary-school-replaces-detention-with-meditation/

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